Encyclopédie volume 8 page 309 colonne gauche

Transposition par l'Horloger de la Croix-Rousse du volume 8 page 309 colonne de gauche de l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert

Il est vrai qu’il faut pour cela des génies supérieurs ; mais pour les faire naître, il ne faut qu’exciter l’émulation et mettre en honneur les artistes.

Nous distinguerons trois sortes de personnes, qui travaillent ou se mêlent de travailler à l’Horlogerie : les premiers, dont le nombre est le plus considérable, sont ceux qui ont pris cet état sans goût, sans disposition ni talent, et qui le professent sans application et sans chercher à sortir de leur ignorance ; ils travaillent simplement pour gagner de l’argent, le hasard ayant décidé du choix de leur état.

Les seconds sont ceux qui par une envie de s’élever, fort louable, cherchent à acquérir quelques connaissances et principes de l’art, mais aux efforts desquels la nature ingrate se refuse. Enfin le petit nombre renferme ces artistes intelligents qui, nés avec des dispositions particulières, ont l’amour du travail et de l’art, s’appliquent à découvrir de nouveaux principes, et à approfondir ceux qui ont déjà été trouvés.

Pour être un artiste de ce genre, il ne suffit pas d’avoir un peu de théorie et quelques principes généraux des mécaniques, et d’y joindre l’habitude de travailler, il faut de plus une disposition particulière donnée par la nature ; cette disposition seule tient lieu de tout : lorsqu’on est né avec elle, on ne tarde pas à acquérir les autres parties : si on veut faire usage de ce don précieux, on acquiert bientôt la pratique ; et un tel artiste n’exécute rien dont il ne sente les effets, ou qu’il ne cherche à les analyser : enfin rien n’échappe à ses observations, et quel chemin ne fera il pas dans son art, s’il joint aux dispositions l’étude de ce que l’on a découvert jusqu’ici à lui ?

Il est sans doute rare de trouver des génies heureux, qui réunissent toutes ces parties nécessaires ; mais on en trouve qui ont toutes les dispositions naturelles, il ne leur manque que d’en faire l’application ; ce qu’ils feraient sans doute, s’ils avoient plus de motif pour les porter à se livrer tout entiers à la perfection de leur art : il ne faudrait, pour rendre un service essentiel à l’Horlogerie et à la société, que piquer leur amour-propre, faite une distinction de ceux qui sont horlogers, ou qui ne sont que des ouvriers ou des charlatans : enfin confier l’administration du corps de l’Horlogerie aux plus intelligents : faciliter l’entrée à ceux qui ont du talent, et le fermer à jamais à ces misérables ouvriers qui ne peuvent que retarder les progrès de l’art qu’ils tendent même à détruire.

S’il est nécessaire de partir d’après des principes de mécanique pour composer des pièces d’Horlogerie, il est à propos de les vérifier par des expériences ; car, quoique ces principes soient invariables, comme ils sont compliqués et appliqués à de très-petites machines, il en résulte des effets différents et assez difficiles à analyser : nous observerons que, par rapport aux expériences, il y a deux manières de les faire. Les premières sont faites par des gens sans intelligence qui ne font des essais que pour s’éviter la peine de rechercher par une étude, une analyse pénible que souvent ils ne soupçonnent pas, l’effet qui résultera d’un mécanisme composé sans règle, sans principe, et sans vue ; ce sont des aveugles qui se conduisent par le tâtonnement à l’aide d’un bâton.

La seconde classe des personnes qui font des expériences, est composée des artistes instruits des principes des machines, des lois du mouvement, des diverses actions des corps les uns sur les autres, et qui doués d’un génie qui sait décomposer les effets les plus délicats d’une machine, voient par l’esprit tout ce qui doit résulter de telle ou telle combinaison, peuvent la calculer d’avance, la construire de la manière