Encyclopédie volume horlogerie page 5 colonne droite

Transposition par l'Horloger de la Croix-Rousse du volume relatif à l'horlogerie page 5 colonne de droite de l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert

Si d’un autre côté l’on joint les principales causes morales, qui font quelquefois trouver bonne une mauvaise montre, l’on verra que pour l’ordinaire elles consistent en ce que la montre coutant peu, le propriétaire en exige moins de régularité, et ne prend pas même le soin de la suivre sur une bonne pendule. S’il lui arrive de la comparer au méridien, et qu’elle s’y trouve juste, il conclut que la montre est parfaite, dans le même temps que, pour l’être, elle devrait paraître autant avancer ou retarder sur le soleil qu’il a lui-même de ces erreurs en différents temps de l’année. L’oubli quelquefois de les monter est encore avantageux aux mauvaises montres, parce que cela fournissant l’occasion de remettre à l’heure, les erreurs ne s’accumulent pas.

Il suit de tout cela, que le peu d’intelligence qu’elles exigent, et qui se borne à faire qu’elles n’arrêtent pas, contribue à les multiplier. C’est en quoi beaucoup d’horlogers font tellement consister toute leur science, que la plupart n’ayant fait aucune preuve de capacité, ignorent parfaitement que les montres varient, et ils se contentent même dans leur pratique, de copier autant qu’ils le peuvent les habiles artistes, sans pénétrer les vues qui les ont dirigés dans leurs pénibles recherches ; et par une suite de fatalités humaines, ils moissonnent souvent avec facilité ce que d’autres ont semé avec beaucoup de peine.

Il suit encore que l’horlogerie est peut-être de tous les arts celui où l’ignorance devrait être le moins toléré ; 1°. Parce qu’une mauvaise montre ne remplit aucun but ; 2°. Par ce qu’il est trop facile de faire marcher la plus mauvaise montre pendant quelques temps, et que l’épreuve de quelques mois est équivoque et ne prouve rien : enfin parce qu’une mauvaise montre peut avoir l’apparence d’une bonne, et que par cela même il est trop aisé de tromper le public, surtout si l’on fait attention que pour les vendre avec plus de facilité, l’on y fait graver impunément les noms des plus habiles artistes, ce qui devient funeste à l’art en général et à l’artiste en particulier. Un objet de cette importance, qui intéresse le public, ne pourrait-il en être une de considération de la part du gouvernement ?

Il suit enfin de toutes ces réflexions, que pour avoir de bonne horlogerie, il faut absolument s’adresser directement aux habiles artistes, si l’on veut être assuré de n’être point trompé.

Il ne sera peut-être pas hors de place de tracer ici l’historique de la perfection de l’horlogerie en France, où elle s’est rendue si supérieure depuis quarante ans, qu’elle s’est acquise la plus haute réputation chez l’étranger même, qui la préfère actuellement à toute autre parce qu’elle l’emporte véritablement par la bonté et par le gout.

Sous le règne de Louis XIV, tous les arts furent perfectionnés, l’horlogerie seule en fut exceptée, soit qu’on n’y pensât pas, soit que le préjugé où l’on était alors ne la bonté des ouvrages d’Angleterre, surtout de ceux de mécaniques, fut encore trop fort, elle resta dans un état de médiocrité qui ne la fit pas rechercher.

La régence fut l’époque de son changement. Law, cet ingénieux ministre des finances, se proposa de perfectionner l’horlogerie, et de conserver à la France par ce moyen, des sommes qu’elle faisait passer en Angleterre en retour de la sienne. Dans ce dessein il attira beaucoup d’Anglais, il en forma une fabrique dont M. de Suly, qui avait pour l’horlogerie plus de génie que de talent, fut nommé directeur. Mais cette fabrique était trop bien imaginée pour que la jalousie anglaise la laissât longtemps subsister. Bientôt elle rappela ses sujets. La plupart s’en retournèrent, et ne laissèrent après eux que l’émulation établie par la concurrence. Julien Leroy parut, qui avait de son côté pour cet art plus de talent que de génie. Il fut connu de Suly, en fut protégé, encouragé, et devint tellement amateur des bons ouvrages, que dès lors il n’employât plus que des bons ouvriers, ou de ceux qui montraient des dispositions à le devenir. Il prit de l’horlogerie Française et Anglaise ce qu’il y avait de bon. Il supprima de celle-…