Encyclopédie volume horlogerie page 5 colonne gauche

Transposition par l'Horloger de la Croix-Rousse du volume relatif à l'horlogerie page 5 colonne de gauche de l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert

… qu’une montre bien ou mal faite, il y a plusieurs mobiles, qui se communiquent le mouvement en vertu d’une première cause ou force motrice.

Dans cette communication il se présente deux résistances ; l’une qui résulte dans la masse du mobile, et l’autre dans le dégagement des parties qui étant appliquées sur le mobile pour lui communiquer le mouvement, pénètres un peu ce mobile par l’inégalité des surfaces des parties antérieures et postérieure qui lui servent d’appui.

C’est cette pénétration réciproque des parties insensibles de la surface que résulte la résistance qu’on appelle le frottement.

Mais comme l’on ne connait absolument point la nature des matières ni le tissu des surfaces, l’on ne peut connaître celle des frottements ; c’est pourquoi l’on n’a pu jusqu’à présent, avec les raisonnements les plus subtils et les expériences les plus exactes, établir aucune théorie générale qui détermine exactement la mesure de cette résistance.

Mais supposé qu’on trouve par quelques moyens la valeur de cette résistance, ce qui pourrait suffire à presque toutes les machines en général, serait encore bien loin de l’être à l’horlogerie en particulier : car ce ne serait pas assez de savoir combien cette résistance épuiserait de force, il faudrait encore y faire entrer le temps employé à l’épuiser.

Ainsi dans différentes machines, les effets peuvent bien être les mêmes et les parties de temps varier, sans que ce tire à conséquence pour le résultat de la machine.

Mais dans l’horlogerie, les plus petites parties de temps doivent toutes être égales entre elles ; d’où il suit que l’art exige nécessairement deux connaissances dans le frottement : 1°. la force nécessaire à la vaincre : 2°. Le temps qu’elle y emploie. Ces deux causes qui se combinent de tant de façons différentes, sont la source d’une infinité de variation qui se rencontrent dans l’horlogerie.

Pour donner une idée de la difficulté à établir une théorie sur le frottement, relativement à l’horlogerie, il faut savoir que d’après les expériences de plus exactes et souvent répétées (toutes choses d’ailleurs égales dans les surfaces frottantes, au moins autant que la vue seule peut le faire connaitre, et sans apercevoir aucune différence assignable, quoiqu’il soit fort probable qu’il y en avait un effet) : l’on trouve, dis-je, par des expériences répétées, des résultats qui diffèrent entre eux ; c’est-à-dire qu’il faut quelques fois plus ou moins de force pour vaincre le même frottement : et par la même raison on voit aussi de la différence dans le temps employé à le vaincre : en sorte que l’on ne peut par aucun raisonnement ni par l’expérience, estimer précisément cette résistance ni le temps employé à la vaincre.

Tout ce que l’on pourrait avancer de plus positif sur cette matière, d’après ces mêmes expériences, c’est que les variations que le frottement présente, soit dans la force, soit dans le temps, se trouvent entre de certaines limites qui sont d’autant plus étroites, que les surfaces frottantes sont moins étendues, plus dures, plus polies, et qu’elles paraissent avoir le moins changé d’état : et c’est précisément le cas où se trouve une montre bien faite.

Et au contraire, les variations sont d’autant plus grandes, que les surfaces sont plus étendues, moins dures et moins polies, et par conséquent plus sujettes à recevoir des changements ; et c’est le cas où les mauvaises montres se trouvent.

Mais quoique les variation d’une mauvaise montre soient très grandes, rien n’empêche rigoureusement, que par une suite de ces mêmes variations, il ne s’en puisse trouver quelques fois qui aillent bien pendant un certain temps : et bien loin qu’une telle montre puisse être imitée dans cette régularité momentanée, la cause en est tellement compliquée qu’elle tient au résultat d’un enchainement de défauts multipliés par le frottement, qui, se compensant les uns les autres, produisent cette heureuse combinaison que toute la science de l’horloger ne saurait prévoir ni assigner : en sorte qu’on ne peut garder cela comme un effet du hasard, aussi n’arrive-t-il que rarement.